Thursday 5 November 2009

INTERVIEW - Jacques Attali : « Sept règles pour survivre aux crises » - Le Républicain Lorrain

INTERVIEW - Jacques Attali : « Sept règles pour survivre aux crises » - Le Républicain Lorrain

Après la crise, les crises… Vous promettez dans votre dernier livre des larmes et de la sueur, des déluges et des épidémies, des guerres et de nouveaux tsunamis financiers…

Jacques ATTALI : « J’ai voulu dresser la liste des dangers qui nous guettent, ce qui ne veut pas dire qu’ils vont tous nous tomber dessus. La meilleure façon de les éviter est de les prévoir longtemps à l’avance. »

Quelles sont les catastrophes les plus prévisibles ?

« Le risque le plus immédiat est celui d’une crise écologique majeure en raison des émissions de CO2, en particulier sur les récifs de corail qui abritent un tiers des espèces maritimes et jouent un rôle clé dans la survie de l’espèce humaine. Le deuxième danger le plus immédiat est la montée du chômage qui, sauf à changer radicalement de politique, va continuer à croître dans des proportions inquiétantes. Le troisième péril, c’est le déficit public, qui atteint en France un tiers du budget. Ses conséquences seront désastreuses pour les générations futures, lesquelles auront de bonnes raisons de nous en vouloir d’avoir ainsi vécu à leurs crochets. On a transféré les problèmes des banques aux contribuables : aux premières les bénéfices, aux seconds les pertes. En 2008, les quatre principales banques de Wall Street ont distribué en bonus 40 % des 45 milliards de dollars qu’elles avaient reçus des contribuables… »

Votre livre se présente comme un manuel de survie face à toutes ces menaces qui, selon vous, recèlent aussi de formidables promesses.

« Exactement. Je propose une stratégie à sept dimensions pour aider les individus mais aussi les entreprises, les villes, les nations à survivre aux bouleversements que la vie privée et collective leur réserve. Le premier principe consiste à se respecter soi-même, ce qui implique de se fixer des valeurs et de s’y tenir. Le second principe, que j’ai appelé « l’intensité du temps », doit nous conduire à développer un projet sur le long terme, tout en étant capable de vivre l’instant présent comme s’il était le dernier. Le troisième axe, « l’empathie », consiste à comprendre les dangers qui nous entourent, à étudier les autres (individus, nations, entreprises…) de manière à distinguer alliés potentiels et véritables adversaires. Le quatrième principe, « la résilience », vise à se donner des assurances pour ne pas tout perdre si un bouleversement devait survenir. Le cinquième pilier, la « créativité », doit permettre de transformer une infortune en opportunité, en envisageant chaque problème comme un défi à relever. Le sixième axe, « l’ubiquité », doit aboutir, à l’extrême, à changer radicalement de vie, à devenir – au moins en apparence – le contraire de soi. Enfin, si rien de ce qui précède ne suffit, il faut se mettre en position de légitime défense et renverser les règles qui menacent sa propre survie, quitte à sortir de la légalité : ce que j’appelle "penser révolutionnaire". »

N’est-il pas présomptueux de prétendre détenir une « méthode universelle et efficace en toutes circonstances » ?

« Les principes que j’énonce sont difficiles à mettre en œuvre, j’ai moi-même beaucoup de mal à me les appliquer ! Ils résultent d’une réflexion personnelle tirée de l’étude des grandes sagesses du monde, de méthodes ancestrales, de pensées, de théories et de philosophies qui ont fait leurs preuves et traversé les siècles. Ainsi, les peuples nomades expliquent que pour franchir les océans, les déserts et les labyrinthes, l’homme doit toujours suivre son intuition, voyager léger, ne pas craindre l’échec, s’entêter et avancer sans se poser de question. Ben Gourion raconte que seuls les plus pessimistes ont pu sortir vivants des camps de la mort… Pour survivre aux crises, il faut explorer la façon dont d’autres individus, d’autres groupes humains ont survécu à un naufrage, une détresse, un deuil, un massacre… et en tirer les leçons. C’est ce que j’ai fait dans ce livre. »

Propos recueillis par Nicolas BASTUCK.

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